HOMMAGE A MONSIEUR PIC
Les griffes ou le bec d’un charognard t’ont brutalement enlevé à notre vue et si mes hurlements de bête lui ont fait relâcher sa proie je n’ai pu te retrouver aux alentours de ma campagne buissonnière.
Durant plus de deux mois tu nous a enchanté par ta joie de vivre, ton besoin de calme quand le sommeil te gagnait manifestant alors à notre encontre une anormale agressivité, tes facéties d’oisillon découvrant tout ce que ton corps t’autorisait…
Nous avons été tellement admiratifs de tous tes petits progrès : manger/boire sans être assisté, voleter de plus en plus loin, trier dans ta nourriture pour trouver la plus appétissante, te poser/rester sur mon épaule sans oublier de picorer ma chemise et quelques fois mes cheveux ou mes oreilles, t’étirer, comme dans un salut de bienvenue, de toutes tes pattes et ailes dès que nous apparaissions, te hisser , avec célérité et dextérité, de branche en branche dans cette grande plante verte égayant ton territoire intérieur de jour.
Tu nous a subjugués de te voir te calmer brusquement quand nous te disions « gentil », « gentil »alors que la seconde précédente nous étions accueillis par un bec rageur, de même quand nous t’avons surpris une patte à même le rebord de ta coupelle à « pic-pic » empêchant sa bascule tandis que l’autre assurait ta stabilité posée à même le sol…
Comment ne pas évoquer ta facilitation d’endormissement quand nous te fredonnions cette berceuse de notre invention : « y fait dodo comme une petite poule, y fait dodo comme un petit poulbot »…ou encore la consigne « monte dans les petites branches » démultipliant ton activation à t’élever de la sorte…Mystères de la vie, mystères de l’amour, mystères de l’intelligence animale encore bien mal connue…
Malgré nos attentions, notre patience et notre bienveillance nous n’avons pu mener à bien la mission que nous nous étions assignés , après t’avoir recueilli, à savoir te rendre à la nature en capacité de te protéger au mieux de tous les éventuels prédateurs…
Où que tu sois, monsieur Pic-Pic, dans l’univers visible ou invisible, nous te souhaitons bon vent ; puisses-tu nous adresser un clin d’œil (un clin d’aile) pour nous signifier que, malgré tout, nous ne t’avons point accompagné en vain.
Merci encore pour tout ce que tu nous a apporté, tu as été et demeurera un cadeau du ciel dans nos cœurs.
PS : ce jour, dimanche, cela fait 2 jours que tu as quitté nos regards attentionnés et admiratifs…il est environ 12H15 quand l’épervier , qui n’a pu se nourrir de la proie trop facile que tu représentais, a survolé en quasi rase-mottes l’endroit où il avait dû te relâcher craignant mes vociférations bestiales…quelques instants après, notre prédateur enfui, ce ne sont pas moins de quatre ou cinq moineaux qui effectuent un balai d’allers-retours sur la balustrade de notre terrasse et surtout l’un d’entre eux possède , jamais observé, deux plumes blanches comme toi…seul à demeurer là, il se pose, se repose sur une des lames puis sur un des piliers comme pour mieux être remarqué…peut-être une façon de nous remercier et de nous signifier qu’enfin tu as trouvé la voie définitive des airs…merci Mr « Pic-Pic »
P.S : plus d’un an plus tard, un beau matin, notre petite terrasse donnant sur le lieu de ton « envol » fut le théâtre d’un spectacle surréaliste…positionnés à cinquante centimètres l’un de l’autre, tétanisés, se trouvaient un épervier se croyant prisonnier, coincé qu’il était entre un mur, une baie vitrée et un bac à fleurs, et un moineau mimant l’oiseau mort , à l’instar d’un lion qui ignorerait la gazelle à un mètre de lui…Après les avoir rendus l’un et l’autre à leur élément aérien de prédilection, je me suis interrogé sur ce signe inattendu : un remerciement de Mr Pic-Pic de l’avoir sauvé du prédateur ou mieux que ma mission était de donner toutes ses chances à l’être faible pour qu’en toutes circonstances il puisse voler de ses propres ailes ?…